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Messages

Affichage des messages du juin, 2025

World Image, World Image (2022)

Le premier et unique album pour l’heure du groupe canadien World Image a de quoi surprendre agréablement les amateurs de musique indépendante inhabituelle. Huit chansons mélodieuses, compactes, minimalistes, comme un Kurt Cobain aurait été capable d’en faire. Ambiance mystérieuse et reposante, comme dans une forêt ou une rue déserte inondée de pluie, sans oublier l’arc-en-ciel qui égaie discrètement le paysage. Des chansons introspectives, aux paroles existentielles, parfois sombres, parfois garnies d’un énigmatique sourire en coin : « if it rhymes, it’s poetry ». Cette première fournée de World Image ne comporte pas de temps mort. Les morceaux sont tous efficaces, mémorables et intéressants, commandant aisément la réécoute. Les pistes qui me ravissent plus particulièrement sont World Image ,  One Big Time, Road to Me et Oh My Sun . Toutes les compositions et paroles sont l’œuvre du leader de la formation, Malcolm Jackson Biddle, qui assure également la réalisation et le...

François Mauriac, Le nœud de vipères

Un homme au chapitre de la mort, prénommé Louis, écrit une lettre à sa femme pour y faire son examen de conscience, vider son cœur, lui raconter son orgueil, sa haine, son amertume, ses affections secrètes et finalement, la transformation qu'il a vécue à l’automne de sa vie. Un avare exécré par sa famille et aliéné du monde qui, anxieux et sans ressources dans l’univers opaque qui l’entoure, élevé par une mère recluse, a développé une seule passion, l’argent. L’argent était pour lui son arme secrète, celle qui le vengerait de ses nombreuses frustrations. Le personnage me rappelle largement celui de Séraphin, le célèbre protagoniste d’ Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon, paru l’année suivante (1933). Un être rongé par des animosités, en guerre contre le monde, mais qui cache au plus profond de lui une âme d’enfant vulnérable, altérée d’absolu. Le texte est empreint du catholicisme de Mauriac en cela qu’il peut être lu comme une longue réflexion sur la foi, la fausse dévo...

Dope Lemon à Montréal

Il y a environ 10 ans, je suis tombé sur une suggestion de YouTube qui m’avait impressionné profondément, s’insinuant subtilement dans mon imaginaire. C’était la vidéo de Honey Bones , une vision onirique, aussi béate qu’inquiétante, où l’on voit plusieurs jeunes femmes danser devant le regard alangui de la caméra, en contrehaut, dans une sorte de rituel incantatoire, comme si nous, le spectateur, étions couchés par terre, au détour d’une hallucination qui déteint sur la réalité. La chanson elle-même, mélopée sensuelle épousant la voix nasillarde et mélancolique d’Angus Stone, se déroulait comme un serpent dansant sur fond d’accords décontractés. Un monde qui retient son haleine, monotone, sans vague, mais où perle une pointe de malice. C’était d’une simplicité puissante, bien articulée, et même si la vidéo comme la chanson n’avaient rien de particulièrement original, ils laissaient une trace durable dans l’esprit. Je revenais souvent vers cette vidéo, ne résistant pas à l’envie de...

Hubert Aquin - Prochain épisode

Rébarbatif non seulement au premier abord, Prochain Épisode exige de la patience et une forme particulière de recueillement, qui consiste à s’absorber dans le texte tout en s'en distanciant. S’absorber pour pouvoir suivre le propos, puisque le roman nous plonge dans l’univers délirant et quelque peu hermétique d’un névrosé. Prendre du recul, puisque notre intelligence risque de se laisser décourager par les divagations décousues du narrateur, voire de subir des lésions durables. Car le texte se montre presque méchant dans son refus de communiquer spontanément avec le lecteur, dans son rejet de la notion de grâce, de fluidité en écriture. Des phrases qui te font trébucher à chaque pas, qui te coupent l’herbe sous le pied. On serait soulagé d’apprendre que cette forme particulière de dégagement concentré s’acquiert toute seule au fil des pages. Le texte cultive sa propre réception. On s’y prendrait mieux en soignant le dosage quotidien. L’idéal serait de commencer par une lecture au ...

Bar Italia - The Twits (LP) et The Tw*its (EP)

Des structures instrumentales proches du rock alternatif des années 1980 et 1990. Côté instruments, la musique de Bar Italia renvoie à des groupes comme Sonic Youth, Duster, Blonde Redhead et Slint. Une voix féminine mi-plaintive, mi-moqueuse, tantôt susurrante, tantôt mélodieuse, oscillant entre Kim Gordon et Karen O ponctue les compositions. Faussant souvent, étalant une insécurité assumée, voire recherchée, elle brave les attentes de l’auditeur, irrévérencieuse et naturelle tout à la fois. Deux voix masculines juvéniles, passées par un filtre grésillant lui répliquent systématiquement. Des parties vocales qui se succèdent selon une logique monologique tels des récitatifs de hip-hop, le plus souvent, en faisant fi de la structure chansonnière classique du type verset-refrain. Dans l’ensemble des morceaux, la voix tient d’une couche additionnelle, superposée à la trame instrumentale, comme dans un karaoké. On a l’impression que la ligne vocale a été écrite indépendamment, que la mélod...