Passer au contenu principal

World Image, World Image (2022)

Le premier et unique album pour l’heure du groupe canadien World Image a de quoi surprendre agréablement les amateurs de musique indépendante inhabituelle. Huit chansons mélodieuses, compactes, minimalistes, comme un Kurt Cobain aurait été capable d’en faire. Ambiance mystérieuse et reposante, comme dans une forêt ou une rue déserte inondée de pluie, sans oublier l’arc-en-ciel qui égaie discrètement le paysage. Des chansons introspectives, aux paroles existentielles, parfois sombres, parfois garnies d’un énigmatique sourire en coin : « if it rhymes, it’s poetry ». Cette première fournée de World Image ne comporte pas de temps mort. Les morceaux sont tous efficaces, mémorables et intéressants, commandant aisément la réécoute. Les pistes qui me ravissent plus particulièrement sont World ImageOne Big Time, Road to Me et Oh My Sun. Toutes les compositions et paroles sont l’œuvre du leader de la formation, Malcolm Jackson Biddle, qui assure également la réalisation et le chant ainsi que le jeu de la guitare et du ruine-babines. Calen Degnan (basse) et Allan Miller lll (batterie) complètent l’ensemble. Les arrangements sont sobres, voire austères : les solos de guitare, au son épuré et agrémenté d’une simple réverbération, se résument à un seul thème, sans jamais se perdre en improvisations. Le chant est également très centré sur la mélodie principale, sans détours ni fioritures. Ce dépouillement rend la musique de World Music quelque peu difficile d’accès malgré la simplicité des structures. Elle me rappelle en ceci, justement, la frugalité de Nirvana. Les sensations à la fois douces et maussades qu’elle communique me font penser, quant à elles, à Meat Puppets. Dans l’ensemble, on sent que le groupe aime le grunge, et sa parenté avec les traditions de Seattle n’a rien d’étonnant étant donné sa proximité géographique avec cette ville (il est établi à Sechelt, en Colombie-Britannique). Il se définit d’ailleurs lui-même comme un groupe de grunge, de jangle pop et de psych pop, comme en fait foi sa page Bandcamp. En attendant leur prochaine offrande, je me plais à réécouter leur premier album éponyme, très agréable et très prometteur.

Juin 2025

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Dope Lemon à Montréal

Il y a environ 10 ans, je suis tombé sur une suggestion de YouTube qui m’avait impressionné profondément, s’insinuant subtilement dans mon imaginaire. C’était la vidéo de Honey Bones , une vision onirique, aussi béate qu’inquiétante, où l’on voit plusieurs jeunes femmes danser devant le regard alangui de la caméra, en contrehaut, dans une sorte de rituel incantatoire, comme si nous, le spectateur, étions couchés par terre, au détour d’une hallucination qui déteint sur la réalité. La chanson elle-même, mélopée sensuelle épousant la voix nasillarde et mélancolique d’Angus Stone, se déroulait comme un serpent dansant sur fond d’accords décontractés. Un monde qui retient son haleine, monotone, sans vague, mais où perle une pointe de malice. C’était d’une simplicité puissante, bien articulée, et même si la vidéo comme la chanson n’avaient rien de particulièrement original, ils laissaient une trace durable dans l’esprit. Je revenais souvent vers cette vidéo, ne résistant pas à l’envie de...

Emmanuelle Pierrot, La version qui n'intéresse personne

Un page turner , écrit à la façon d’un thrilleur, accrocheur, bien rythmé, plein de suspense. Le roman soulève des interrogations inquiétantes d’une brûlante actualité : le sexisme qui perdure, à peine décoiffé malgré des décennies de luttes féministes, omniprésent jusque dans les communautés dites alternatives, qui se font souvent fortes de porter des messages progressistes d’égalité et de respect. À Dawson, village yukonnais associé volontiers à la Ruée vers l’or du Klondike, d’un charme touristique certain, l’héroïne du roman, Sasha, une punk montréalaise, s’y établit avec son ami d’enfance Tom, entourée de ses amis punks et anarchistes, tous arborant fièrement leurs convictions gauchistes.  Au fil des pages, le climat placide qui règne parmi les amis s’assombrit progressivement, et Sasha finit par devenir la cible d’une cabale cruelle aux motivations sexistes.  La communauté progressiste s’adonne sans trop de gêne à un ostracisme implacable dès lors qu’une personne est res...

Ralph Ellison : Homme invisible, pour qui chantes-tu?

Paru en 1952, ce roman fait partie du canon littéraire américain, et son auteur a sa place au panthéon littéraire du pays. Souvent cité comme étant le premier roman moderne publié par un auteur afro-américain, il entre en dialogue avec de grands mouvements de son temps tels que l’existentialisme, le théâtre de l’absurde, le surréalisme, etc. tout en s’inscrivant dans un contexte historique bien précis : le mouvement des droits civiques. À la fois social et personnel, historique et psychologique, réaliste et onirique, c’est un texte remarquable tant par son style que par l’originalité de son intrigue. Le roman gravite autour du grand thème du racisme, mais plutôt que de s’en tenir à ses manifestations extérieures, économiques et sociales, il scrute ses séquelles individuelles, les traumatismes profonds et les distorsions qu’il inflige à ses victimes. L’invisibilité est, on l’aura deviné, une métaphore de l’effacement, de la déshumanisation des Afro-américains.  C’est un récit initia...