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Messages

Bar Italia à Montréal, novembre 2025

            Le groupe londonien Bar Italia nous a rendu visite le 25 novembre 2025. Le spectacle faisait partie de sa tournée nord-américaine qui soulignait leur nouvel album  Some Like It Hot . Le concert, organisé par  Blue Skies Turn Black , devait normalement avoir lieu au club Soda, mais un transfert au Théâtre Fairmount avait eu lieu quelques jours auparavant. Je dois avouer que Bar Italia suscite en moi des sentiments mélangés et incertains. Je trouve que leur musique a un côté désagréable, vicieux, prétentieux, mais qu’elle est d’autant plus surprenante. Elle se grave dans l’esprit sans difficulté, enfante des vers d’oreille et appelle souvent à sa réécoute. Le trio est en lui-même une curiosité : ses membres sont assez différents tant par leur personnalité que par leur attitude, voire par leur style vestimentaire. Le groupe a cela de particulier que les trois membres sont au même titre des chanteurs principaux, même si on...
Messages récents

Tennessee Williams, Un tramway nommé désir

Tout d'abord, j’avais trouvé cette pièce un peu prévisible, simpliste, du point de vue contemporain. Elle ne l’était sûrement pas à l’époque de sa parution, à la fin des années 1940, à une époque où le fascisme montrait déjà son visage hideux à l’horizon. Blanche DuBois incarnait visiblement une sensibilité et une vulnérabilité romantique qui s’opposait à la brutalité du monde environnant, en proie à ses pulsions de domination et de destruction. Cela étant, elle restait un personnage subtil et complexe : elle pouvait paraître tour à tour vicieuse, grotesque, noble et gracieuse. Elle a menti sur son véritable train de vie, elle s’invente une existence et une identité qui jure cruellement avec le caractère tragique de sa vie réelle. Mais cette dualité, n’est-ce pas le drame de bien des humains? N’est-elle pas notre condition absurde, à nous, qui nous drapons dans une image confectionnée pour les réseaux sociaux, une image lustrée digne d’un magazine people (je trahis mon âge) ou d’un...

Boris Vian, L’écume des jours

 Comme le rappelle la très éclairante préface de Gilbert Pesturau, L’écume des jours est foncièrement influencé par le jazz. Le jazz se retrouve dans la texture même du roman, dans sa composition. Tout comme le jazz, le roman oscille entre optimisme éclatant et visions mélancoliques, morbides, sinistres. C’est un univers à l’eau de rose qui tourne au vinaigre en un tournemain. Ce qui accuse davantage le drame de cette dualité réside dans l’impassibilité des protagonistes, qui demeurent ingénus et résignés jusqu’à la fin, ne remettant jamais en cause l’ordre des choses, les règles de l’univers où ils évoluent. Ils gobent la monstruosité du monde environnant. Ils s’y soumettent sans broncher, heureux des brefs instants de joie que l’existence leur accorde. Comme dans un dessin animé, leur souffrance paraît anodine, a quelque chose de ludique, comme s’il s’agissait d’un moment de jeu d’enfant et non d’une situation réelle. Ce côté ludique de la tragédie mise en scène est très jazz, l...

Oscar Wilde, The Importance of Being Earnest

Je connaissais de nom cette pièce d’Oscar Wilde. Le contraire aurait été étonnant, tant elle est illustre. Je l’avais vu jouer à mon école secondaire : mes camarades d’école l’avaient montée, en traduction française, pour marquer la fin de l’année scolaire ou la fin de nos études. Mais je n’en garde que très peu de souvenirs. En fait, je ne suivais pas l’action, je la trouvais lourde et complexe, trop verbeuse, j’avais vite perdu le fil de l’intrigue. Plus tard, j’en avais lu un extrait dans mon manuel d’anglais ( Headway , si je ne me trompe). C’était la scène ou Jack fait l’aveu de son origine auprès de Lady Bracknell. J’aurais peut-être dû dire « Mme Bracknell », mais, en fait, non, je m’entête à dire « Lady », tellement le texte est ancré ans des réalités britanniques inconvertibles. Tout dernièrement, la pièce a été montée par la troupe Repercussion Theatre, en anglais, dans le cadre des soirées Shakespear in the Park , qui présentent des spectacles théâtraux e...

World Image, World Image (2022)

Le premier et unique album pour l’heure du groupe canadien World Image a de quoi surprendre agréablement les amateurs de musique indépendante inhabituelle. Huit chansons mélodieuses, compactes, minimalistes, comme un Kurt Cobain aurait été capable d’en faire. Ambiance mystérieuse et reposante, comme dans une forêt ou une rue déserte inondée de pluie, sans oublier l’arc-en-ciel qui égaie discrètement le paysage. Des chansons introspectives, aux paroles existentielles, parfois sombres, parfois garnies d’un énigmatique sourire en coin : « if it rhymes, it’s poetry ». Cette première fournée de World Image ne comporte pas de temps mort. Les morceaux sont tous efficaces, mémorables et intéressants, commandant aisément la réécoute. Les pistes qui me ravissent plus particulièrement sont World Image ,  One Big Time, Road to Me et Oh My Sun . Toutes les compositions et paroles sont l’œuvre du leader de la formation, Malcolm Jackson Biddle, qui assure également la réalisation et le...

François Mauriac, Le nœud de vipères

Un homme au chapitre de la mort, prénommé Louis, écrit une lettre à sa femme pour y faire son examen de conscience, vider son cœur, lui raconter son orgueil, sa haine, son amertume, ses affections secrètes et finalement, la transformation qu'il a vécue à l’automne de sa vie. Un avare exécré par sa famille et aliéné du monde qui, anxieux et sans ressources dans l’univers opaque qui l’entoure, élevé par une mère recluse, a développé une seule passion, l’argent. L’argent était pour lui son arme secrète, celle qui le vengerait de ses nombreuses frustrations. Le personnage me rappelle largement celui de Séraphin, le célèbre protagoniste d’ Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon, paru l’année suivante (1933). Un être rongé par des animosités, en guerre contre le monde, mais qui cache au plus profond de lui une âme d’enfant vulnérable, altérée d’absolu. Le texte est empreint du catholicisme de Mauriac en cela qu’il peut être lu comme une longue réflexion sur la foi, la fausse dévo...