Avril 2019
Trois artistes montréalais de styles différents mais animés d’une veine partagée ont joint leur forces pour une soirée intime le 4 avril, à l’espace artistique et club social Le Scaphandre (The Diving Bell). Le trio Yum, l’artiste solo Magi Merlin et le projet The Forties ont offert à un public clairsemé mais dévoué un programme musical concis, compact, de courte durée mais bien articulé. Cette veine partagée se situait au confluent d’une bizarrerie ingénue, teintée de nuances modérément glauques, et des sensations langoureuses d’une pop R&B aux allures hipster. L’espace du club social était particulièrement adapté à l’événement : très spacieux, enveloppé de ténèbres énigmatiques, rempli d’une froideur stylée. Ce n’est pas un bar tout court mais un terrain artistique polyvalent intégrant entre autres un comptoir. Une présentation approfondie a déjà paru sur les pages de KMW l’été dernier, à l’occasion de son inauguration.
Le Scaphandre
Le début de la soirée était annoncé pour 21h : un timing déjà ambitieux
pour ceux qui se lèvent de bonne heure le lendemain et qui dépendent des
transports en commun pour regagner leurs pénates. Mais qui a dit que
l’underground n’était pas une affaire d’ambitieux? Après la bienvenue cordiale
de l’hôte assis derrière un guichet près de l’entrée, en haut d’un long
escalier qui, à mon avis, pourrait servir de décor à des représentations et
vidéos suggestives, je me suis introduit dans la vaste salle ténébreuse
piquetée de quelques luminaires multicolores, irradiée par un écran géant
servant de toile de fond à la scène et sur lequel passaient de vieux dessins
animés russes sans le son. Les spectateurs se faisaient encore assez rares et
se résumaient en fait aux musiciens et à leurs cercles d’amis. Après une
attente bien longue qui m’a privé de tout espoir d’entendre le troisième
artiste si je voulais rentrer au bercail en métro, le spectacle a commencé avec
Yum.
Eddy Jackson, Nathan
Walsh et Tyson Burger se servent de claviers (d’un synthétiseur et d’un
ordinateur), de cordes (une guitare et une basse) et de trois microphones
pour vous glisser, sourire au coin mais d’un pas ferme, dans un royaume
surréaliste feutré et radieux, à prime abord, mais au fond passablement
alambiqué et subversif. Tels des héritiers très lite des sombres aventures de The Residents ou de Tuxedomoon, ou des revirements saugrenus d’un Syd Barrett, leurs échafaudages ingénieux
intriguent et vous laissent sur votre soif. Un groupe prometteur, à suivre, qui
pour le moment n’a enregistré qu’une démo et quelques simples,
mais ces titres en disent long sur l’imaginaire particulier des trois musiciens.
Une flûtiste (sur la photo) les a rejoints pour un des derniers morceaux de
leur partie.
YUM!
Le set de Yum! était assez court, tout comme celui de l’artiste suivante, la
montréalaise Magi Marlin, celle dont les fans étaient les plus nombreux dans la
salle, m’a-t-il semblé. Je connais trop peu ce genre musical, ce qui ne
m’empêche pas de l’écouter, de le flairer et de le ressentir à ma manière. Pour
moi, c’était du R&B alternatif dont l’instrumental fraternise avec le trip
hop, criblé de crépitements et de grésillements lo-fi. Accompagnée par un DJ
dont l’épais capuchon et la casquette enfoncée jusqu’aux oreilles camouflaient
complètement le visage, traversant la scène de long en large d’un pas hip hop,
gesticulant abondamment au gré de son expressivité, elle filait un long
monologue langoureux, béat et tourmenté à la fois, autosuffisant mais invitant
le public à le rejoindre dans son expédition au pôle des après-midi pluvieuses.
Magi Merlin
Magi Marlin est bien
active sur les réseaux sociaux (voir ici ou ici entre autres) et a enregistré plusieurs morceaux qui,
d’après ce que j’ai cru comprendre, n’ont pas de titres fixes. Elle a fait
également plusieurs vidéos.
L’heure est venue
pour mon départ, et je n’ai malheureusement pas pu entendre le programme
intégral de The Forties, en troisième partie, mais uniquement les deux
premières chansons. Une pop mélodieuse et jazzy jouée comme si c’était du
blues, avec une voix claire et aiguë.
Le groupe, qui est
en fait un projet solo de Robben Lent, connu aussi en tant que membre de SWEAT, a enregistré cinq pistes disponibles sur leur profil Bandcamp. Ils ont amorcé leur partie avec une nouvelle chanson qui, comme le
frontman nous l’a appris, était encore en chantier.
Les trois
prestations descendaient d’univers musicaux très différents, mais ils avaient
en commun une disposition à l’expérimentation, voire à la provocation, qui ne
boude pas pour autant les mélodies entraînantes et le bien-être pop.
A la sortie du club,
avant d’emprunter l’escalier qui allait me ramener sur le trottoir, j’ai vu
scintiller, sur l’écran derrière la scène, des cadres de films documentaires
sur la vie des animaux sauvages.
Auteur du texte: Yavor Petkov




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