Le texte procède par accumulation, il se forme dans la durée, tout comme un voyage révèle tout son sens après avoir pris fin. En revanche, dans le feu de l’action, c’est la monotonie et l’insignifiance qui semblent le lot des voyageurs. Sur la route de Kerouac, hypertexte probable de ce roman, opère le même genre d’entassement de fragments qui aboutit de façon organique et imperceptible à un ensemble complexe qu’on ne saurait disséquer sans nuire à sa qualité. Le tout est plus grand que la somme des parties.
La fin est touchante et belle, il s'en est fallu d'un poil pour que je ne pleure une larme.
Je trouve que le personnage principal incarne les traits caractéristiques de gens d'ici : sa réserve, son émotion contenue, sa posture de résignation (qui n’est qu’apparente), sa paradoxale combinaison d’ouverture et de fermeture à l’endroit des autres, son ambivalence. Il a su capter quelque chose de l’âme de son pays, mais il l’a plongée dans une sauce américaine au sens large. En résulte l’impression que le Québec est une des multiples facettes de l’américanité (qui est plurielle et hétérogène par nature) et non une enclave d’étrangeté au milieu d’un désert d’incompréhension, comme les Québécois aiment souvent à se concevoir eux-mêmes.
Tout cela raconté avec une réserve, une maîtrise de soi, qui catalysent d’autant mieux l’émotion et la réflexion et en décuplent la force. Les écrivains que j’aime le plus sont ceux qui suggèrent plus qu’ils ne disent, qui nous laissent le soin d’imaginer et d’achever les potentialités du texte.
Un tesson de joie désabusée, pleine de gentillesse et, au bout du compte, d’optimisme.
Édition lue : Jacques Poulin. Volkswagen Blues. Leméac (collection "Babel"), 1988.
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