Janvier 2020
Un roman incroyablement
touchant, profondément humain, tendre, tissu de grâce, mais aussi blessant, laissant
des marques lancinantes, tant il est imbu de douleur et de commisération. Dans
un monde et un siècle de plus en plus déshumanisés, lire un tel roman relève d'un véritable baume sur le coeur, un moment de répit. La plume d’Amin Maalouf y est habitée par la
gracieuseté radieuse que l'on lui connaît. Des brins d’humour s’y infiltrent aux
moments les plus dramatiques, un humour séraphique, dépourvu de méchanceté ou
de malice, étranger au sarcasme et ami de la miséricorde. L’humilité de l’auteur
est telle qu’à des moments on croirait lire un livre de mémoires – comme si l’écrivain
s’effaçait derrière les personnages, se muant en humble rapporteur de faits, en
chroniqueur anonyme. On peut se demander, par moments, si on est en train de lire
une œuvre littéraire ou plutôt un recueil d’anecdotes, relatés d’une façon terre-à-terre. Et c’est souvent dans la foulée d’un tel passage
que la puissance philosophique de Maalouf prend son élan. La traversée du
plateau nous conduit au bord d’un précipice. Une spiritualité supérieure vient
alors à notre rescousse afin de nous transporter par-dessus le gouffre, sur les
ailes angéliques d’un dragon béni. L’auteur esquisse des mondes merveilleux d’un
trait modeste et naturel. Et c’est là son génie!
Ce roman m’a
rappelé, peut-être pour des raisons complètement fortuites, un autre roman d’inspiration
et de descendance libanaises que j’ai lu il y a quelques années – Le fou d’Omar
d’Abla Faroud. Il y a toujours ce style oral, anecdotique, d'allure spontanée. Le narrateur y conte ce qu’il a vécu sans s’efforcer
d’en mettre en relief des profondeurs ou des excentricités qui auraient sorti son propos du sillon de l’ordinaire. Le narrateur ambitionne avant tout de nous
transmettre sa mémoire. Une technique d’écriture maîtrisée à la perfection,
puisque le récit gagne énormément en authenticité et devient d’autant plus
crédible qu’il est proche du lecteur. Les Échelles du Levant partage
avec Le fou d’Omar certains thèmes communs – ceux de l’amour paternel
démesuré, de la famille éclatée, et surtout celui de la folie. En y adjoignant ceux de la trahison, de l’inconstance humaine. Mais le mal en l’homme est
observé de la hauteur d’un amour humain indulgent, aussi vulnérable qu’inébranlable.
L’auteur nous livre ici une magistrale leçon de morale, bien plus qu’une démonstration
de virtuosité narrative.
Voici
quelques extraits que j’ai épinglés lors de la lecture :
« Si j’ai
tout de même survécu, c’est pace qu’il faut une certaine volonté pour ne plus
survivre. », p. 208
« La
vie trouve toujours sa voie ; comme un fleuve détourné de son lit en creuse
toujours un autre. », p. 222
Après avoir lu Le rocher de Tanios, que j'ai aussi beuacoup aimé mais un tout petit peu moins que celui-ci, je poursuis avec impatience la découverte de l'oeuvre de l'écrivain.

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